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Les fractures du scaphoïde

 

Introduction

 

chute sur le poignet
Mécanisme de la fracture du scaphoïde

 

Le scaphoïde est l’os du carpe le plus fréquemment concerné par les fractures, et constitue à lui seul environ 60 % de toutes les fractures du carpe. Cette lésion se rencontre habituellement chez le jeune adulte actif, après une chute sur la main en hyperextension. Ces fractures sont parfois méconnues ou non-diagnostiquées, ou étiquetées de simples « entorses du poignet ». Négligées ou laissées déplacées, ces fractures peuvent évoluer vers l’absence de consolidation (pseudarthrose) ou vers la consolidation en mauvaise position ( cal vicieux ). La pseudarthrose et le cal vicieux peuvent entraîner une altération de la cinématique du carpe, avec des douleurs, une diminution des amplitudes articulaires du poignet, de la force, puis l’usure progressive des surfaces articulaires : c’est l’arthrose du poignet. Les fractures déplacées, non-consolidées et parfois le cal vicieux relèvent par consensus d’un traitement chirurgical. De plus, en raison de la durée prolongée de l’immobilisation et du risque de raideur du poignet après un traitement orthopédique, certains chirurgiens et patients préfèrent un traitement chirurgical précoce, même pour des fractures non-déplacées.

 

ANATOMIE

 

 

Le nom de « scaphoïde » dérive du grec skaphee signifiant bateau ou une barque, en raison de la forme allongée de cet os si particulier. Le scaphoïde dispose de multiples insertions ligamentaires. Sur son versant interne, il est rattaché au lunatum via le ligament interosseux scapholunaire, composé de 3 structures distinctes : le faisceau palmaire, le faisceau dorsal, et la portion fibrocartilagineuse proximale. La portion dorsale est la plus résistante et la plus importante sur le plan de la stabilité du carpe. En avant, reliant la styloïde radiale au capitatum, le ligament radio-scapho-capitate croise le scaphoïde au niveau de sa portion moyenne, imprimant à l’os un mouvement de flexion lors de l’inclinaison radiale du poignet. Ce ligament, en concert avec les insertions du ligament scapholunaire qui retiennent le pôle proximal, peut entraîner un déplacement de la fracture, ou « déformation en bosse », avec une flexion palmaire du pôle distal et une bascule en extension du pôle proximal.

La vascularisation du scaphoïde provient de deux branches de l’artère radiale, qui ne communiquent pas l’une avec l’autre. La vascularisation principale pénètre l’os par son versant distal. Cette disposition vasculaire explique la relative fragilité de l’os et les difficultés rencontrées pour obtenir une consolidation des fractures, notamment du pôle proximal (du côté du radius).

 

DIAGNOSTIC

 

Toute douleur du poignet après un traumatisme doit faire suspecter une fracture du scaphoïde. Le mécanisme le plus fréquent est la chute en avant sur la main à plat, le poignet en extension. L’examen physique du poignet est réalisé par le médecin, en recherchant des douleurs de la base du pouce, dans la tabatière anatomique (dépression entre la base du pouce et l’extrémité du radius), et lors de la pression sur la colonne du pouce. L’hématome peut être volumineux, et la douleur importante, limitant la qualité de l’examen clinique.

 

Les radiographies du poignet permettent de rechercher une fracture, notamment du scaphoïde. Les clichés réalisés comportent une incidence du poignet de face, une incidence de profil, et une incidence spécifique pour mieux voir le scaphoïde (cliché de ¾ ; incidence de face en inclinaison ulnaire du poignet et en extension). En cas de doute clinique, malgré des radiographies rassurantes, d’autres examens peuvent être réalisés, comme une tomographie, un scanner, ou une IRM. Certaines fractures sont particulièrement difficiles à mettre en évidence, et ne seront diagnostiquées qu’avec une scintigraphie osseuse, couplée éventuellement à un scanner du poignet. Il s’agit des fractures « occultes ».

 

Une fois la fracture mise en évidence sur le bilan radiographique, le médecin va apprécier sa localisation, l’orientation du trait de fracture, et un éventuel déplacement de cette fracture. Les lésions associées peuvent également être visualisées sur les examens (entorses, arrachement osseux, lésion tendineuse, …). L’ancienneté de la fracture, et son caractère éventuellement ancien (plusieurs semaines, voire plusieurs mois ou années) sera précisé sur ces examens.

 

TRAITEMENT

 

La consolidation des fractures du scaphoïde peut échouer dans 5 % à 25 % des cas, selon les différentes séries de la littérature. Les facteurs influençant l’échec de la consolidation semblent être :

  • un déplacement supérieur à 1 mm,
  • un retard diagnostique ou de mise en route du traitement supérieur à 4 semaines,
  • une fracture située au delà du milieu de l’os ou plus proche du pôle proximal,
  • une intoxication tabagique.

 

En cas de doute, chez un patient présentant des douleurs de la tabatière anatomique, après un traumatisme, avec un bilan radiographique initial rassurant, une immobilisation du poignet et de la base du pouce peut être portée pour deux semaines, puis un nouveau contrôle clinique avec un bilan radiographique de contrôle sera réalisé. Une alternative consiste à réaliser d’emblée une IRM, plus onéreuse, mais permettant d’épargner au patient un enraidissement du poignet par une immobilisation prolongée et un arrêt de travail non-justifiés par une fracture. La conduite à tenir dans ce cas de figure n’est pas univoque.

 

orthèse
Orthèse statique d'immobilisation du poignet et de la base du pouce

 

En cas de visualisation de la fracture, sa localisation et son orientation seront appréciées par le médecin, ainsi que son déplacement éventuel :

 

  • Une fracture récente, non-déplacée, relève d’une immobilisation stricte du poignet, en prenant éventuellement la base du pouce. Le coude n’est pas immobilisé, et le reste du pouce est laissé libre. La durée d’immobilisation est de 6 à 12 semaines, avec plusieurs contrôles réalisés par le médecin et des bilans radiographiques, pour s’assurer de la consolidation de la fracture et de l’absence de déplacement secondaire.

 

  • Une fracture déplacée va  faire discuter d’un traitement chirurgical. Une fracture du pôle proximal comporte un risque important de non-consolidation, et va nécessiter une durée d’immobilisation importante en raison d’une vascularisation précaire. Un traitement chirurgical sera même envisagé par le chirurgien dans ce cas.

 

  • Les fractures en plein corps, avec un déplacement supérieur à 1 mm, ou avec une désaxation du carpe sont considérées comme instables, et vont nécessiter un traitement chirurgical. De plus, une fracture associée à une lésion comme une luxation du poignet ou une fracture articulaire du radius va nécessiter un traitement chirurgical de ces lésions de façon concomitante.

 

fracture du scaphoide
Fracture corporéale du scaphoïde

 

vissage du scaphoide
Vissage du scaphoïde

 

En raison du délai parfois long de l’immobilisation, de 10 semaines voire plus, certains chirurgiens plaident pour une prise en charge chirurgicale de ces fractures, même en l’absence de déplacement initial.

 

Une fois que l’indication chirurgicale est posée, le chirurgien emploiera une technique de fixation par broche ou par vis. La vis canulée (perforée en son centre) peut être mise en place par un abord dorsal ou palmaire, en fonction de la fracture et des habitudes de l’opérateur. Un déplacement de la fracture va nécessiter un abord chirurgical ou arthroscopique, pour contrôler la réduction de la fracture.

QUELS RESULTATS ESPERER ?

 

Pour les fractures non-déplacées, un traitement orthopédique ou un vissage percutané peuvent être envisagés (en vue d’une récupération fonctionnelle plus rapide). Il n’y a pas de différence significative en terme de récupération fonctionnelle à 2 ans de recul, selon une étude américaine de 2001.

 

Une étude suédoise plus récente, publiée en 2008, retrouvait une consolidation constante, dans 100 % des cas, en employant une immobilisation ou un vissage percutané, sans différence fonctionnelle au bout de 10 ans. Le vissage permettait d’obtenir un meilleur taux de consolidation, sur des indications précises. Cependant, un taux d’arthrose de la base du pouce était retrouvé dans ce groupe, qui était fixé uniquement par un abord palmaire.

 

EN CONCLUSION :

 

  • Le principal apport vasculaire du scaphoïde provient du pôle dorsal et distal de l’os, ce qui explique la relative fragilité vasculaire de son pôle proximal ;

 

  • En cas de doute à l’examen clinique, malgré une radiographie négative, une IRM peut être réalisée, ou bien le patient doit refaire un bilan radiographique après deux semaines d’immobilisation du poignet ;

 

  • Une fracture non-déplacée nécessite une immobilisation stricte du poignet et de la base du pouce, pour 10 à 12 semaines ;

 

  • Le déplacement de la fracture peut être difficile à évaluer sur les radiographies, et nécessiter un scanner en coupes fines ;

 

  • L’indication chirurgicale repose sur le déplacement initial ou secondaire de la fracture, une désaxation du carpe, ou la présence d’une lésion associée. Un vissage percutané peut être indiqué pour une fracture non-déplacée chez un patient souhaitant une mobilisation rapide du poignet.