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La maladie de Dupuytren, ou fibrose rétractile de l’aponévrose palmaire, a été décrite au 19e siècle par un chirurgien français, le Baron Guillaume de Dupuytren. Il s’agit d’une affection bénigne, atteignant les mains, avec rétraction progressive des doigts.
Guillaume DUPUYTREN (1777-1835)
Cette maladie est fréquente dans les pays nordiques de l’Europe, et atteint les hommes et les femmes à partir de la 3e décennie. L’origine génétique de cette maladie a été prouvée récemment.
L’aponévrose palmaire superficielle constitue un squelette fibreux sous la paume de la main et des doigts. Ce tissu souple et résistant est une « enveloppe » des tissus plus profonds. Dans la maladie de Dupuytren, cette aponévrose va s’épaissir, former des « nodules » puis des « cordes », sous l’effet d’une prolifération cellulaire (myofibroblastes) avec production de collagène en excès.
Aponévrose palmaire superficielle
Pour le moment, aucun facteur traumatique, micro-traumatique ou professionnel n’a été prouvé dans la genèse ou l’aggravation de cette maladie. Certains cas apparaissent après une fracture du poignet, chez des patients porteurs de la mutation génétique. La maladie qui était quiescente « s’active » après le traumatisme.
Rétraction digitale dans la maladie de Dupuytren
Une atteinte similaire mais plus rare peut concerner la plante des pieds (maladie de Ledderhose) et la verge (maladie de Lapeyronie). Il s’agit d’une prolifération tissulaire identique.
De façon imprévisible et spontanée, la maladie évolue par poussées, d’abord avec apparition de nodules sous la peau, puis ensuite l’apparition de cordes indurées.
Rétraction digitale
Avec le temps, souvent en quelques mois ou quelques années, les doigts se rétractent, et perdent progressivement la possibilité de s’étendre. La maladie rétracte l’espace entre le pouce et la main (1ère commissure), le pouce, et les doigts. Les rayons les plus souvent atteints sont l’auriculaire, l’annulaire, le pouce, le majeur et l’index.
Aucun traitement médicamenteux ni aucun appareillage n’a prouvé son efficacité pour stopper ou ralentir l’évolution de la maladie.
La chirurgie est utilisée depuis le 19e siècle, et consiste à retirer les tissus concernés par la maladie, afin de retrouver l’extension normale des doigts atteints. C’est l’aponévrectomie chirurgicale.
Cicatrices après aponévrectomie de plusieurs doigts
Un traitement percutané (sans ouvrir la peau) est utilisé chez les patients âgés, avec une atteinte concernant uniquement la paume de la main, et consiste à fragiliser les cordes avec une aiguille, jusqu’à permettre de les rompre. C’est l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille.
Aponévrotomie à l'aiguille
Depuis quelques années, un traitement spécifique par injections permet de ramollir les tissus concernés, en infiltrant l’aponévrose malade par un produit contenant une collagènase spécifique. Il s’agit d’une enzyme qui va rompre les liaisons peptidiques des molécules de collagène, et permettre ainsi d’étendre les doigts le plus possible, sans nécessité d’ouvrir la peau. Ce traitement est utilisé seul ou en complément de la chirurgie, qui est alors plus limitée, et moins invasive. Ce traitement est disponible dans plusieurs pays d’Europe, et n’est pas remboursé par la Sécurité Sociale en France. Chaque injection coûte environ 700 €, à la charge intégralement du patient.
Il s’agit d’une intervention chirurgicale, réalisée au bloc opératoire, idéalement par un chirurgien de la main spécialisé. Elle se déroule le plus souvent sous anesthésie loco-régionale (seul le membre supérieur est endormi, pendant quelques heures) ou bien sous anesthésie générale (le patient est endormi complètement). Le patient est rarement hospitalisé, cette intervention se déroule en chirurgie ambulatoire. Le patient regagne son domicile le jour de l’intervention, avec un pansement de la main opérée.
Cicatrice après aponévrectomie de l'annulaire
Le chirurgien incise la peau selon des tracés précis, permettant d’aborder la zone malade au niveau de la paume de la pain et des doigts. La dissection est délicate, la maladie ayant tendance à infiltrer les espaces autour des tendons, des nerfs et des artères digitales. Dans certains cas, il est difficile voire impossible de retirer complètement la maladie, en raison de risques trop importants pour les éléments vasculo-nerveux. Cela est encore plus difficile dans les cas de récidive de maladie, après une ou plusieurs interventions.
Rétraction de la maladie, traction sur le nerf et l'artère digitale
Le chirurgien peut également, en plus de retirer les tissus atteints, procéder à d’autres gestes, comme une libération articulaire ou tendineuse, une greffe de peau, un lambeau cutané, un blocage articulaire (arthrodèse).
Lambeau cutané d'avancement - Greffe de peau
La main opérée est protégée par un pansement compressif, parfois avec une attelle temporaire.
Le premier pansement peut être réalisé par le chirurgien, par une infirmière spécialisée, ou bien au domicile du patient par une infirmière libérale. Ce pansement doit être le plus fin et léger possible, afin de permettre à l’appareillage d’être confectionné correctement. Il ne doit pas entraver la mobilisation des doigts.
Pansement post-opératoire
Il est demandé au patient opéré de mobiliser rapidement les doigts, la main surélevée, afin de favoriser le drainage de l’œdème et aider à la résorption de l’hématome. Les pansements sont réalisés régulièrement jusqu’à cicatrisation complète.
Orthèse dynamique d'extension post-opératoire
Une orthèse dynamique d’extension nocturne est confectionnée sur-mesure, dans les suites de l’opération. Son but est de conserver l’extension des doigts opérés. Elle est portée la nuit pendant quelques semaines.
Après cicatrisation des incisions cutanées, le chirurgien peut prescrire de la rééducation, des massages, et parfois certains appareillages pour améliorer les cicatrices ou la fonction de la main opérée.
Comme toute intervention chirurgicale, cette opération comporte des risques. S’agissant d’une chirurgie délicate, certains risques spécifiques existent.
L’infection peut concerner une partie de la zone opérée. Elle se manifeste par un écoulement plus ou moins abondant, épais, souvent d’odeur nauséabonde. La prévention de l’infection est importante pour limiter ce risque, et le respect des consignes de préparation cutanée avant l’intervention est obligatoire.
La zone opérée peut souffrir après l’intervention, en raison de la maladie qui infiltre l’épaisseur de la peau, d’un hématome, ou d’une vascularisation fragile. Les maladies associées peuvent participer à cette souffrance cutanée (diabète, problème vasculaire, certains traitements médicamenteux). Cela peut se traduire par une nécrose de la peau, une infection, un délai de cicatrisation rallongé. Le tabagisme aggrave de façon certaine la souffrance cutanée et limite la cicatrisation post-opératoire.
L’algodystrophie survient dans les mois qui suivent l’intervention. Les mécanismes à l’origine de cette complication sont encore mal connus à l’heure actuelle. Le patient présente une douleur importante, dépassant la zone opérée, parfois jusqu’à l’épaule. Cette douleur est disproportionnée, fatigante, répondant mal aux traitements habituels. Elle s’accompagne d’un enraidissement important des doigts, et d’un œdème diffus. Elle guérit en plusieurs mois, spontanément, ou à l’aide d’un traitement spécifique, avec des séquelles variables (raideurs articulaires, douleurs) dans 15 à 20 % des cas.
Les lésions des vaisseaux et des nerfs ne sont pas rares, et sont dues à une dissection délicate entre la maladie souvent infiltrante et les éléments vasculo-nerveux. L’extension d’un doigt rétracté de façon importante depuis plusieurs années peut suffire à engendrer une souffrance de ce type.
Ce risque de lésion des nerfs et des vaisseaux justifie du recourt à un chirurgien de la main spécialisé, à même de gérer ce risque.
Il est parfois difficile voire impossible de récupérer complètement l’extension d’un doigt qui est atteint depuis de nombreuses années. La rétraction des articulations et des tissus est un frein à cette récupération. Les interventions successives sont également de plus en plus délicates et risquées.
Compte-tenu du caractère génétique de cette maladie, la récidive est pour le moment inéluctable, soit sur les doigts opérés, soit sous la forme d’une extension aux doigts voisins.
Le traitement de la maladie de Dupuytren reste essentiellement chirurgical dans les formes digitopalmaires. L’apport des injections par enzyme (Xiaflex®) est pour l’instant réservé aux formes palmaires. Dans la quasi-totalité des cas, le patient nécessite la mise en place d’orthèses dynamiques d’extension. Le kinésithérapeute doit rester attentif à l’apparition d’un syndrome douloureux régional complexe de type 1 dont l’installation peut créer un enraidissement sévère et parfois irréversible. La prise en charge précoce de ce syndrome limitera les complications. Le 5e rayon reste un doigt particulièrement difficile à gérer à long terme, malgré les gains d’amplitudes obtenus en peropératoire par l’aponévrectomie. La faiblesse du système extenseur de ce rayon doit être compensé par le port d’une orthèse dynamique durant de nombreuses semaines, voire de nombreux mois.