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Mise à jour le 1er Juillet 2021

Introduction

 

Affection fréquente, notamment chez la femme de plus de 50 ans, la rhizarthrose correspond à la dégradation lente de l’articulation de la base du pouce. Cette dégénérescence peut être longtemps bien tolérée, ou bien être très douloureuse. Au terme de son évolution, le pouce est déformé en « M », et perd sa fonction.

déformation du pouce en MDéformation du pouce en M

Pourquoi les douleurs ?

 

La base du pouce est constituée par un socle : le scaphoïde, le trapèze, et le trapèzoïde. Ce socle assure la stabilité de la base du pouce et la mobilité du 1er métacarpien. L’articulation entre le trapèze et le métacarpien est en forme de « selle », correspondant au principe mécanique du cardan. Le pouce fonctionne perpétuellement en décalage par rapport à l’axe mécanique de travail, représenté par l’avant-bras. Cela aboutit à des contraintes mécaniques considérables, expliquant la fréquence de l’arthrose à ce niveau.

anatomie de la colonne du pouce
Anatomie de la colonne du pouce

 

Contraintes mécaniques à la base du pouce
Contraintes mécaniques à la base du pouce

 

 

Le pouce est constamment sollicité dans l’utilisation de la main, avec une pré-éminence fonctionnelle indiscutable. Les contraintes sur le cartilage usé génèrent les douleurs, même lors des gestes légers de la vie quotidienne.

 

Quel bilan réaliser ?

 

L’examen clinique attentif des deux mains et des pouces par le chirurgien est le préliminaire à l’analyse fonctionnelle de la rhizarthrose. La mesure de l’écartement du pouce par rapport à la main, les amplitudes articulaires et la force sont mesurées des deux côtés. L’éventuelle déformation de la colonne du pouce est quantifiée, et les atteintes associées sont relevées (arthrose des autres doigts, inflammations tendineuses, syndrome du canal carpien, …).

 

Le bilan radiographique standard comporte des incidences de face, de profil, et une incidence spécifique de l’articulation trapézo-métacarpienne. Le bilan d’imagerie peut être complété par un scanner en cas d’arthrose post-traumatique, ou d’une IRM dans les formes débutantes ou particulières. Les classifications radiologiques de la rhizarthrose sont nombreuses, et permettent de suivre l’évolution de la dégradation articulaire.

Classification radiologique de la rhizarthrose
Classification radiologique de la rhizarthrose

 

La recherche de perturbations biologiques n’est pas systématique. Elle est réalisée en cas de doute sur une atteinte rhumatismale ou inflammatoire. Il n’y a pas de marqueur biologique de l’importance de l’arthrose actuellement utilisé en routine.

 

Comment être soulagé des douleurs ?

 

Les douleurs peuvent être permanentes, ou bien lors des activités quotidiennes. Parfois, les douleurs prédominent la nuit. La prescription de médicaments antalgiques est souvent utile pour atténuer les douleurs. Lors des phases inflammatoires, un traitement anti-inflammatoire peut être efficace. Le soulagement des douleurs ne doit pas faire oublier les impératifs fonctionnels du pouce. La déformation progressive du pouce aboutit à une perte de fonction, qui sera difficile à prendre en charge pour le chirurgien, lorsque le patient consulte tardivement.

 

La mise au repos de l’articulation de la base du pouce est un moyen simple et efficace de diminuer les douleurs. Les orthèses de série (vendues en pharmacie) sont souvent efficaces, tant que la déformation n’est pas importante. A un stade avancé, seules les orthèses réalisées « sur-mesure » seront adaptées. Ces orthèses sont plus ou moins longues, selon que le patient souhaite avoir un maintien efficace (orthèse longue), un maintien relatif (orthèse courte) ou une fonction conservée (orthèse fonctionnelle).

 

orthèses pour la rhizarthrose
Orthèses pour la rhizarthrose (longue de repos nocturne, courte de fonction, courte de stabilisation)

 

L’ergothérapie peut être utile, avec utilisation « économe » du pouce concerné, et utilisation d’appareils de compensation (ouvre bouteille, couteaux à gros manches, …).

 

Les infiltrations peuvent apporter un bénéfice sur les douleurs. Il existe deux catégories de produits injectés :

 

  • Les produits anti-inflammatoires : largement représentés par les corticoïdes, ces produits ont pour effet d’atténuer localement l’inflammation articulaire. Le soulagement est progressif en quelques jours après l’infiltration, et l’effet peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Leurs effets délétères à moyen et long terme limitent leur utilisation répétée.

 

  • Les chondro-substituts : ces produits contiennent des éléments composant le cartilage (acide hyaluronique, chondroïtine sulfate) dans des proportions variables. Efficaces pour le traitement de l’arthrose des grosses articulations, les effets sont moindres au niveau des articulations de la main. Cependant, un soulagement durable peut être espéré dans les formes débutantes de rhizarthrose, sans effet adverse démontré sur les structures articulaires.

 

La chirurgie trouve sa place dans le traitement de la rhizarthrose douloureuse malgré le traitement médical prolongé. Les options chirurgicales sont nombreuses, selon l’importance de l’arthrose, l’âge du patient et sa demande fonctionnelle. La prise en charge chirurgicale reste délicate, en raison de la triple demande des patients : l’indolence, la mobilité et la force. Quelque soit la technique chirurgicale employée, c’est indiscutablement la force qui est la plus difficile à restaurer. L'objectif de la chirurgie est de proposer le meilleur compromis fonctionnel au patient, en agissant essentiellement sur les douleurs.

 

Quelles sont les options chirurgicales ?

 

  • La dénervation articulaire : L’objectif est de supprimer les terminaisons nerveuses à destinée articulaire, afin de soulager les douleurs. Cette intervention ne modifie pas l’articulation ni l’évolution de l’arthrose.

 

schéma du nerf du 1er espace interosseux
Schéma du nerf du 1er espace interosseux

 

  • L’ostéotomie du 1er métacarpien : Elle vise à modifier la répartition des contraintes articulaires, en modifiant légèrement la forme du 1er métacarpien. La biomécanique du pouce s’en trouve corrigée, en allégeant le versant palmaire et interne pour reporter les contraintes sur le versant dorsal et externe.

schéma ostéotomie du 1er métacarpien
Schéma de l'ostéotomie du 1er métacarpien

 

  • La ligamentoplastie de stabilisation : L’objectif est de stabiliser l’articulation au stade débutant de l’arthrose, lorsque l’usure cartilagineuse  est encore débutante. Cette technique utilise un fragment tendineux de l’avant-bras, sans concerner l’articulation elle-même.

 

Ligamentoplastie d'Eaton-Littler
Ligamentoplastie d'Eaton-Littler

 

  • La trapézectomie avec tendinoplastie d’interposition : Cette technique consiste à retirer complètement le trapèze, et à combler la cavité de résection par une « boule » de tendon. La capsule articulaire est renforcée, et le pouce est stabilisé par une broche temporaire ou par une immobilisation sur-mesure, pendant 4 semaines. Il s’agit de la technique la plus utilisée dans le monde pour le traitement chirurgical de la rhizarthrose, et elle reste l'alternative principale en cas de contre-indication à la prothèse.

Trapézectomie - tendinoplastie d'interposition
Trapézectomie - tendinoplastie d'interposition

 

  • L’interposition trapézo-métacarpienne : Elle consiste à interposer un implant mince entre les surfaces articulaires, ce qui évite le contact direct des surfaces arthrosiques. Cette technique est « économe » en ce sens qu’elle n’empêche pas d’utiliser une autre technique plus invasive lorsque la situation le nécessite plus tard. Les implants interposés sont de nature différente (matériaux tissés synthétiques, pyrocarbone, silicone, métal, …).

Implant Pyrocardan® trapézo-métacarpien
Implant trapézo-métacarpien d'interposition

 

  • L’arthroscopie trapézo-métacarpienne : La visualisation de l’articulation elle-même est possible en utilisant une caméra et des instruments miniaturisés. Un nettoyage articulaire (synovectomie, émondage des ostéophytes, résection des corps étrangers articulaires) est souvent nécessaire, apportant un soulagement dans les formes inflammatoires et débutantes d’arthrose. La mise en place d’un implant d’interposition et/ou une infiltration peuvent être réalisées en fin d’intervention.

 

Vue arthroscopique de l'articulation trapézo-métacarpienne
Vue arthroscopique de l'articulation trapézo-métacarpienne

 

 

  • L’arthroplastie trapézo-métacarpienne : Elle consiste à remplacer l’articulation usée par une prothèse, comme pour d’autres articulations (hanche, genou, épaule). La prothèse est en général constituée d’une tige implantée dans le 1er métacarpien, d’une cupule implantée dans le trapèze et d’une tête qui permet à l’implant de se mobiliser. Ces implants existent depuis les années 1970, avec des résultats qui ne duraient que quelques années par rapports aux autres techniques. Les développements techniques ont permis d’envisager une espérance de vie de ce type d'implant de l’ordre de 15 ans actuellement, rejoignant les courbes de survie des prothèses de hanche et de genou. Comme toutes les prothèses, il existe des risques particuliers : infection, luxation, descellement, fracture du trapèze, usure de l’articulation prothétique. La mise en place d’une prothèse requière certaines conditions, comme la hauteur conservée du trapèze. Cette intervention n’est pas réalisable chez tous les patients. Une reprise chirurgicale est envisageable en cas de besoin (greffe osseuse, changement partiel ou total de la prothèse, trapézectomie totale).

Prothèse trapézo-métacarpienne Touch® KERI Medical
Prothèse trapézo-métacarpienne

 

Prothèse trapézo-métacarpienne Touch® KERI Medical
Prothèse trapézo-métacarpienne

Quels résultats puis-je attendre de la chirurgie ?

 

Quelque soit la technique employée, l’objectif est avant tout de soulager les douleurs, en améliorant la fonction du pouce. Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients, aucune solution ne peut prétendre rendre le pouce mobile, stable et fort. Votre chirurgien vous expliquera quelle solution est la plus adaptée à votre cas.

 

En général, les douleurs s’estompent progressivement après l’intervention chirurgicale. Les procédés les plus récents d’anesthésie permettent de diminuer les douleurs péri-opératoires ainsi que la consommation de médicaments antalgiques..

 

La cicatrisation peut nécessiter 4 à 8 semaines selon la technique employée. Le gain de mobilité est favorisé par la mobilisation active. La rééducation est souvent utile pour améliorer la fonction de la main opérée.

 

Une restriction de certaines activités manuelles est parfois nécessaire, afin de préserver le résultat de la technique employée.

 

Comme toute intervention chirurgicale, les risques de complications existent. La cicatrice peut mettre du temps à devenir indolore, voire s’infecter. La réparation ligamentaire peut cicatriser lentement, ou bien se distendre progressivement avec le temps. Les rameaux nerveux sous la peau peuvent être irrités par la cicatrice, à l’origine de sensations désagréables dans un territoire précis. L’œdème post-opératoire nécessite une mobilisation quotidienne des doigts, main surélevée ou en écharpe. La persistance d’un œdème avec des douleurs et un enraidissement fait suspecter la survenue d’une algodystrophie (Syndrome Douloureux Régional Complexe). La prothèse peut s’user prématurément, se luxer, s’infecter, ou bien fragiliser l’os dans lequel elle est implantée, jusqu’à la fracture. L’hématome post-opératoire est parfois important. D’autres complications spécifiques de la technique employée sont possibles, et sont expliquées par le chirurgien lors de la consultation.

 

Le futur ?

 

Les voies de recherche actuelles visent à reconstituer le cartilage et l’os sous-chondral. Ces recherches portent sur l’implantation de cellules souches issues du patient lui-même, combinées à des facteurs de croissance, avec des résultats prometteurs. L'objectif sera de parvenir à « réparer » l’articulation et de conserver l'usage du pouce sans intervention chirurgicale.

 

Les illustrations de cet articles sont consultables dans : Chirurgie de la Main. Tome 3 : Affections rhumatismales, dégénératives. Syndromes Canalaires. Michel MERLE. Ed. MASSON. Paris, 2007.